Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Poésies et contes

Publié le 16 Novembre 2013 par Le blog poétique de Lazou

L’enfant blessé

Il était une fois, il y a très longtemps, un enfant qui vivait dans la misère, tant sa famille était modeste et pauvre. Parfois, il ne prenait qu'un seul repas par jour, le soir. L'enfant allait à l'école vêtu pour ainsi dire de guenilles, car sa mère n'avait pas d'argent pour lui acheter des habits neufs. Théo, c'était son nom, était tout petit, frêle et malingre, brun avec des yeux noirs. Il avait l'air un peu débile à cause de sa mauvaise alimentation. Sa mère, une femme très simple et forte, était elle aussi un peu malade. Elle était néanmoins belle, et sa silhouette avait gardé celle d'une jeune femme mince. Elle était aussi très brune, portait des cheveux longs, et était toujours vêtue de longues robes et de vêtements aux nombreuses couleurs, rose ou rouge, bleu ou vert, pourpre... C'était une femme dont la misère n'avait pas réussie à ternir le caractère joyeux et optimiste, et elle répétait tous les jours à Théo de bien travailler à l'école, car, lui disait-elle, il n'avait que cette institution pour s'en sortir, et que dans la vie il ne pourrait compter que sur lui-même, quand elle ne serait plus là.

C'est pourquoi l'enfant allait toujours à l'école le coeur rempli d'espérance, et qu'il travaillait du mieux qu'il pouvait. Son père était mort dans un accident de travail, alors qu'il n'avait que trois ans. Théo, âgé maintenant de dix ans, était souvent sujet aux moqueries de ses petits camarades, mieux habillés que lui, et dont les familles étaient plus aisées que celle de l'enfant. Mais ceux-ci travaillaient moins bien que lui à l'école, à part Rose, sa petite camarade, qu’il aimait bien, qui était gentille avec lui car elle ne le tracassait pas avec des remarques relatives à ses habits et au fait qu'il ne mangeait pas à midi, comme ses autres camarades. Et elle partageait souvent son repas avec lui à cette heure de la journée. Théo et Rose étaient les meilleurs amis du monde.

Néanmoins, Théo était souvent en butte aux tracas et aux soucis, de par sa condition misérable, mais aussi et surtout de par l'incompréhension dont faisaient preuve à son égard ses petits camarades, en se moquant sans cesse de lui. Un jour, dans la cour de l'école, trois de ses méchants camarades le poussèrent et le frappèrent au visage, sans que le maître n’eût rien vu. Car ce dernier aimait beaucoup Théo, et lui prédisait un grand avenir. Et il savait pertinemment que les autres élèves jalousaient Théo pour ses aptitudes scolaires, et que leurs moqueries n'étaient qu'un prétexte pour se venger de ses bons résultats. Car les autres élèves, malgré leur plus grande aisance sociale, ne lui arrivaient pas à la cheville en matière de simplicité, de gentillesse, et de bon coeur. L'instituteur de Théo était un maître intègre. De haute stature, toujours habillé de beaux habits, il avait une tête ronde et malicieuse, ornée d'une fine moustache, des yeux bleus pétillants, de beaux cheveux blancs coiffés en brosse. Humaniste, il connaissait l'humilité sociale de Théo et de sa maman, et voulait tout faire pour que l'enfant réussisse.

Ce soir-là, Théo rentra blessé et meurtri, car, bien qu'il n’y eût pas de traces sur son visage, il était néanmoins tombé, s'était fait mal à la jambe, et surtout avait reçu des gifles de la part des trois garnements. Quand il arriva chez lui, sa mère s'aperçut tout de suite de sa tristesse, et lui demanda alors :

« - mon petit, qu'as-tu ? Tu m'as l'air très affligé. Comment s'est passé ta journée à l'école ? Si tu as eu des mauvaises notes, ce n'est pas grave, pour une fois. Tu travailles si bien que tu pourras toujours compter sur moi, et sur ma fierté à ton égard. »

Mais l’enfant se mit soudain à pleurer beaucoup, beaucoup, et ses larmes étaient toutes chaudes, et sa peine était grande. Entre deux sanglots, il avoua alors à sa maman :

« - maman, aujourd'hui, mes camarades m’ont giflé, poussé et humilié, encore une fois. Je ne veux plus aller à l'école, car cela n'a pas d'importance pour moi. Je suis toujours mal habillé, contrairement à eux, à midi je ne mange que lorsque Rose partage son repas avec moi. »

Sa mère comprit immédiatement ce qu'il en était, et elle lui dit alors, d'une voix calme et apaisante :

« - tu sais Théo, ne doit pas te soucier des méchancetés des autres, à l'école comme dans la vie, car le monde est ainsi fait, et tu auras toujours à faire face à cela. Alors reprends courage, et ne pleure plus. Les enfants sont méchants avec toi car ils sont jaloux de tes bons résultats à l'école. Et même s'ils sont plus riches que nous, ils n'arrivent pas à travailler aussi bien que toi. Et puis, tu peux compter sur Rose, car elle est très gentille. »

Ce soir-là, Théo n’eût pas faim, et s'endormit rapidement, car il était très fatigué. Le lendemain matin, plus calme que la veille, il prit son bol de café au lait, et sa maman lui avait préparé son sac pour aller à l'école. Elle lui dit :

« - mon petit, ne pense plus aux méchancetés de tes camarades, et travaille bien aujourd'hui. Je serai toujours avec toi. »

Elle avait glissé dans sa besace un repas composé de tranches de pain et de fromage, d'une pomme, d'une poire, et d'une tablette de chocolat, car, bien que désargentée, elle avait cependant toujours quelques économies de côté, et elle était allée chez l'épicier, alors que Théo dormait encore. Elle avait donc acheté cette nourriture, pour que son fils soit plus heureux ce jour-là, et qu'il puisse partager son repas avec son amie Rose. Elle décida aussi d’accompagner Théo à l'école et de parler à son maître, ce qu'elle fit. Elle lui dit donc :

« - vous savez, monsieur, bien que Théo ait le goût des études, il n'est plus heureux ici, car les autres enfants se moquent sans cesse de lui. Et puis, je ne sais pas si je pourrais continuer à l'envoyer à l'école, car cela coûte très cher, et mes moyens financiers sont limités. »

A ces mots, le maître d'école changea d'expression, et son visage, de jovial et bonhomme qu'il était, devint grave et plus triste. Il répondit alors à la maman de Théo :

« - ne vous en faites pas, madame. C'est moi-même qui subviendrai aux besoins financiers de votre enfant, tant qu'il ira à l'école. Et à partir d'aujourd'hui, il aura toujours un repas à midi, je vous le promets. Quant aux garnements qui l'accablent de moqueries, cela est certes injuste, mais vous savez comment sont les enfants, parfois la jalousie peut eux-aussi les rendre méchants. Je m'occuperais donc personnellement de Théo, pour qu'il puisse achever sa scolarité dans la sérénité et la réussite, car il en est largement capable et ce serait dommage de gâcher un tel avenir. »

Les années passèrent. Les chemins de Rose et Théo se séparèrent. Celui-ci devint un grand professeur de mathématiques dans une école très réputée. Mais Rose et Théo ne se voyaient pour ainsi dire plus car ils vivaient dans deux pays différents, et que Rose s'était finalement mariée à l'un des anciens camarades de Théo, celui qui l’avait giflé et poussé, dans la cour de l'école. Le mari de Rose était un fonctionnaire malheureux et buvait souvent. Sa femme avait essayé de l'en dissuader à maintes reprises, mais rien n'y faisait, il continuait à boire, accumulant la tristesse, les bourdes dans son travail, l'amertume, et la jalousie à l'égard de Théo.

Un jour, alors que Théo était rentré dans son pays, car il vivait maintenant à l'étranger, sa mère et lui décidèrent de sortir prendre l'air en ville. Il avait aussi convié à cette sortie son maître d'école, un homme très âgé maintenant, mais néanmoins toujours aussi élégant, et surtout très fier de Théo, son ancien élève, si brillant encore aujourd'hui. Ils se promenaient tous les trois au bord du canal lorsque, par une coïncidence que seul le destin se permet parfois de provoquer, ils rencontrèrent Rose et son époux, triste et patibulaire comme à son habitude, la mine misérable, le coeur gros.

Lorsqu'ils se reconnurent, Rose et Théo ne purent s'empêcher de pleurer l'un et l'autre, tant leur émotion de se retrouver étaient grande. La mère de Théo, son ancien maître, et l’époux de Rose, après les salutations d'usage, se tenaient en retrait des deux bons anciens camarades, dont la joie de se retrouver était immense. Soudain, le mari de Rose explosa en larmes, à la stupéfaction de tous, car il se rappelait avoir giflé et injustement traité son petit camarade, alors qu'ils n'avaient que dix ans. Théo s'en souvenait évidemment lui aussi mais n'avait rien dit à ce sujet. Alors, le mari de Rose, qui enviait toujours secrètement Théo pour son esprit brillant, pleura comme un enfant, mais ne s’excusa pas pour autant. Car, si le mari de Rose déposait ici sa peine, au bord du canal, par cette belle soirée d'été, et que tous les passants se demandaient les raisons d'un tel spectacle au sein de ce groupe étrange de cinq personnes, il n'arrivait toujours pas se remettre en cause. Il était comme dans un état second.

Voyant cela, et la tristesse aussi dans les yeux de Rose, Théo décida à contrecoeur de se séparer d'elle et de son pauvre époux, triste à en mourir, désespéré, les yeux pleins d'amertume. Il prit alors Rose dans ses bras, puis serra chaleureusement la main de son mari, en le réconfortant et en lui disant :

« - malgré tout ce que la vie peut comporter de peines, elle est néanmoins merveilleuse, au revoir et ne pleure plus, car je sais pourquoi tu pleures, et je ne t’en veux pas. »

Le mari de Rose parut réconforté par ces mots pleins de chaleur humaine, de pardon et d'espoir. Et ils se séparèrent, Rose et son mari d'un côté, Théo, sa mère, et son vieux maître d'école de l'autre. L'émotion avait été forte durant ces quelques instants, et l'ancien maître chuchota à la maman de Théo, pour que celui-ci n’entende pas :

« - vous voyez madame, peut-être que si Théo n'avait pas souffert, enfant, de sa vie difficile, et notamment des moqueries et tracasseries de ses petits camarades, il ne serait pas devenu ce qu'il est aujourd'hui, un grand professeur de mathématiques. De plus, Théo est aujourd'hui très heureux de sa vie. »

La mère de Théo acquiesça alors d'un geste discret. Mais Théo, qui avait deviné les paroles de son professeur, leur dit alors, à lui et à sa mère :

« - vous savez, si j'avais pu ne pas autant souffrir étant enfant, j’aurai préféré, même si ma situation d'adulte aurait été moins bonne. »

Ils passèrent toute la soirée ensemble, à se promener dans la ville, au bord du canal, avant de rentrer chez eux. Quelques jours après, Théo apprit que le mari de Rose était mort subitement. Avant de partir dans le pays où il enseignait, et où était maintenant sa vie, il pensa :

« - pauvre mari de Rose, s’il avait pu vraiment se décharger de sa peine et de son amertume, peut-être aurait-il vécu plus heureux. La rancune est un poison mortel, comme la haine, la méchanceté ou la jalousie. Écoutons notre coeur et ne nous préoccupons pas du reste. »

commentaires

Publié le 15 Novembre 2013 par Le blog poétique de Lazou

Les trois frères

Il y avait, dans le pays des forêts, des montagnes, des elfes et des fées, trois orphelins, âgés de sept, huit et dix ans. L'aîné et le second, qui s'appelaient Théo et Benjamin, étaient, malgré leur jeune âge, plutôt robustes, et déjà doués de raison et d'intelligence. D'assez grande taille, bruns, les yeux bleus, ils avaient été élevés, dès la mort de leurs parents, par leur grand-mère, une femme très âgée et méchante, qui par ailleurs était une sorcière.

Le petit-dernier, prénommé Victor, était aussi petit qu'un enfant de cinq ans, frêle, et paraissait débile et simplet. Lorsque ses frères marchaient à travers la forêt, pour simplement se promener, ou plus souvent pour cueillir des fruits et des plantes que leur grand-mère leur ordonnait de ramasser, Victor avait bien du mal à les suivre, tirant la langue et transpirant, toujours à la traîne et souffrant d'un boitement contracté à la naissance. Il était brun lui aussi, avec des petits yeux bleus qui semblaient vides aux yeux des autres ; sa grand-mère, la sorcière, le tracassait souvent, lorsqu'il rentrait en retard ou retardait ses frères dans leur marche dans la forêt.

Avec les plantes qu’ils lui rapportaient, elle confectionnait toutes sortes d'élixirs magiques, de poudres et d'onguents étranges, qui lui servaient à ensorceler des gens, car de nombreux habitants du pays des montagnes et des forêts venaient la trouver pour qu’elle jette quelque sort à leurs ennemis. Elle ne fabriquait ses sortilèges que pour nuire aux autres, moyennant rétribution, jamais pour leur porter secours. Ainsi, elle préférait faire des poudres qui plongeaient les gens dans un profond sommeil, lorsqu'ils avaient quelque chose à faire qui déplaisaient aux personnes venant la trouver, par exemple. Jamais par ailleurs ses artifices n'étaient destinés à aider les autres, soit pour guérir une maladie, soit encore pour rendre amoureux un homme et une femme, par la fabrication d'un filtre d'amour notamment. C'était en effet une très méchante sorcière.

Par un beau jour de printemps, elle décida de jeter un sort aux cinq elfes qui vivaient près de chez elle et des trois jeunes frères, car disait-elle, ces elfes semblaient encore plus méchants qu'elle et de mauvais augure pour tout le peuple des forêts et des montagnes. Ce qui était faux, car les cinq elfes, bien que se transformant la nuit en lucioles volantes pour virevolter et se promener à travers la montagne, et voir le pays sous un autre aspect, certes nocturne, ne dérangeaient personne dans les bois. Sauf elle bien sûr, jalouse de leur pouvoir de transformation. Pendant leur sommeil diurne, les elfes ne dormant que pendant la journée, elle jeta sur eux de la poudre soporifique et les elfes continuèrent à dormir tout le jour et la nuit aussi et les autres jours et nuits, sans pouvoir se changer en lucioles volantes, puisqu'ils étaient pris d'un profond sommeil.

Les autres habitants du pays de forêts, après quelques jours, commencèrent à s'inquiéter de ne plus voir les elfes voler la nuit ce qui était un très beau spectacle, qui aidait les gens à s'endormir. Ceux-ci allèrent trouver la sorcière, la suppliant de conjurer ce mauvais sort, car celle-ci ne savait pas tenir sa langue, et, tel un accès d'orgueil et de pouvoir, elle leur répondit en effet que c'était bien elle qui avait ensorcelé les cinq elfes apprivoisés, lesquels ne faisaient de mal à personne, ce qui était d'une grande rareté pour les elfes de ce pays.

Les habitants, quittant la maison de la sorcière, s’en rentraient chez eux, dépités et désespérés ne plus pouvoir s'endormir le soir en regardant l'harmonieuse danse elfique, lorsqu'ils rencontrèrent par hasard les trois frères, Théo, Benjamin, et Victor, qui regagnaient eux-aussi leur cabane, c'est-à-dire celle de leur méchante sorcière de grand-mère. Les gens du pays des forêts eurent alors l'idée lumineuse de demander leur aide aux trois enfants, pour qu’ils les aident à lever le sort jeté par leur grand-mère aux elfes. Ils promirent donc aux trois frères un goûter offert à volonté, et ce jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge adulte, qui était de quinze ans dans ce pays. Car les enfants ne mangeaient pas à leur faim chez la sorcière, et n'avaient goûté aux délices sucrés du pays des montagnes et des forêts, qu'en de très rares occasions, lorsque leur grand-mère, comblée de mets délicats et de présents de la part des gens venant la trouver pour qu'elle jette quelque sort à leurs ennemis, dormait, et que les trois enfants pouvaient enfin, rassasier leur faim pendant la nuit, en lui chipant des friandises.

On leur promit ainsi du pain d'épices, du miel à foison, du lait en quantité, du nougat aux noisettes des montagnes, à profusion, et bien d'autres douceurs, comme de la pâte d'amandes, s’ils arrivaient à subtiliser pendant le sommeil de leur grand-mère l'élixir qui leur permettrait de libérer les cinq elfes du sort ainsi jeté sur eux.

Les trois frères rentrèrent donc dans la hutte de leur grand-mère. Ils firent mine de s'endormir, après un repas très frugal, attendant que la sorcière s'endorme, elle, pour de bon. Mais Victor s'endormit, lui, vraiment. Tandis que les deux autres frères, lorsque la vieille mégère dormait en ronflant fort, se levèrent tout doucement, sans aucun bruit, et se dirigèrent vers sa table de nuit, dont Théo approcha sa main dans la pénombre de la nuit de pleine lune, et subtilisa le remède au sortilège jeté aux elfes, qui dormaient toujours dans un pré adjacent à leur cabane. Au moment où Théo donnait l'élixir à Benjamin, la vieille sorcière ouvrit soudain un oeil, puis l'autre, poussa un cri de surprise, claquant des doigts pour allumer sa bougie, et vit les deux frères, debouts, le remède dans les mains de l'aîné. Elle jeta alors une imprécation à ses deux petits-enfants, qui se transformèrent sur-le-champ en corbeaux, et quittèrent la hutte en s’élevant dans le ciel étoilé éclairé par la lune. Victor se réveilla en sursaut, et demanda à sa grand-mère :

« - Où sont Théo et Benjamin ? Où sont-ils allés ?

- Ils sont partis dans la forêt pour me chercher de la salsepareille, car j'en ai besoin cette nuit pour préparer un filtre magique destiné à réveiller les elfes. Toi-aussi, sors et va les rejoindre ! » , lui répondit la méchante vieille femme, de mauvaise humeur.

Victor comprit, malgré son jeune âge et son air un peu simplet, que la sorcière avait menti, mais il ne savait toujours pas ce qu'il était advenu de ses frères. Il sortit donc, les yeux pleins de sommeil, et marcha longtemps, dans la forêt éclairée par la lune, à la recherche de ses deux frères, les appelant sans cesse, comme pour conjurer sa peur de la nuit :

« -Hé, ho ! Théo et Benjamin, où êtes-vous, mes frères ? Que s'est-il passé avec grand-mère ? Hé, ho, où êtes-vous ? »

Après avoir marché longtemps, longtemps, Victor s'assit dans une prairie, et se mit à pleurer, car il se sentait seul et découragé. Là, il vit deux corbeaux se poser près de lui dans l'herbe, qui lui dirent, en coeur :

« - Nous sommes tes deux frères. La sorcière nous a changés en corbeaux car elle nous a trouvés en train de lui dérober le filtre qui aurait pu réveiller les elfes, mais cela est bien compromis pour l'instant. Nous voilà transformés en oiseaux, et adieu notre forme humaine, et nos bons goûters promis par les gens du pays des montagnes ! »

À ces mots, Victor se senti désemparé, du haut de ses sept ans. Les deux corbeaux, ses frères, s'envolèrent subitement et il se retrouva seul dans la prairie, alors que le jour commençait à poindre. Soudain, alors qu'il s'était remis à pleurer, une petite fée aux ailes de libellule apparut. L'enfant chétif la regarda, et la fée lui demanda :

« - Pourquoi pleures-tu ? »

Et l'enfant désespéré lui conta alors son histoire. La fée, qui avait remarqué que Victor portait à son cou un anneau en or, hérité de ses parents maintenant décédés, lui dit alors :

« - Il y a, à quelques lieues de cette prairie, un forgeron qui aurait grand besoin de ton anneau, car il n’a plus d'or. Je vais te conduire jusqu'à lui, et si tu acceptes lui donner ton anneau, peut-être pourra-t-il faire quelque chose pour toi ! »

Victor acquiesça timidement, et la fée et lui se mirent en route vers l'atelier du forgeron. Une fois arrivés à la forge, ils virent un grand homme robuste et barbu, vêtu de son tablier en cuir, qui travaillait l’or. La fée raconta à l'homme l’histoire de l'enfant et de ses frères, et lui demanda son aide, en échange de l’anneau en or de Victor. Le forgeron accepta le marché, et leur dit :

« - Si vous me donnez cet anneau, je pourrais alors finir mon épée magique pour le roi du pays des montagnes, et celui-ci sera très heureux et me gardera comme son forgeron attitré. Et je pourrais t’aider, petit, à lever le sortilège qui pèse sur les elfes et sur tes frères. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. L'enfant lui donna l'anneau, le forgeron put alors le fondre pour finir l'épée magique destinée au roi, et fut très content de cette réussite. Soudain, les deux frères de Victor rentrèrent à leur tour dans la forge, et tous trois furent ravis de se retrouver sous leur forme humaine. Théo dit alors à Victor :

« - Nous vous avons en secret suivis jusqu'ici, et nous étions devant l'atelier, lorsque nous avons retrouvé notre apparence humaine. Nous sommes très contents de te retrouver là. Et l'aigle des montagnes, que nous avons rencontré devant la forge, nous a dit que le sortilège jeté par notre grand-mère la sorcière sur les elfes avait été levé, et que les habitants du pays des forêts sont très satisfaits. Ils vont venir d'un moment à l'autre nous recueillir, car ils ne veulent plus que nous vivions avec grand-mère qui, de toute façon, a été changée en rocher par le roi, au moment où son épée a été finie par le forgeron. Nous voilà grâce à toi libérés de notre méchante grand-mère, qui ne pourra plus faire de mal à personne dorénavant. À présent, à nous les délicieux goûters de pain d'épices, de miel, et de nougat aux noisettes ! À nous cette nouvelle vie qui commence pour nous au pays des forêts. »

Les trois enfants s’embrassèrent, très heureux qu'ils étaient, en attendant l'arrivée des habitants du pays des forêts, venant les chercher. La fée et le forgeron décidèrent de sortir de l'atelier, avec les enfants, pour prendre l'air par cette belle journée de printemps, car il faisait chaud dans la forge. En sortant de l'atelier Victor ne boitait plus. La fée le forgeron se regardèrent d’un œil complice et celui-ci lui dit alors :

« - Qui aurait cru que Victor, du haut de ses sept ans, aurait pu réussir à délivrer les elfes et ses frères des maléfices de la sorcière ? Les pouvoirs du coeur et de l'entraide valent parfois tous les autres pouvoirs du monde ! »

commentaires