Jeunesse
Je crois avoir un jour, avoir raté le bal,
Avoir un peu craché dans une bonne soupe,
En disant de mes maîtres, quand mon vent fut en poupe,
Mes maîtres adorés, que vous futes à deux balles.
Il est des rectifications que seul le temps opère,
Des remords, des regrets toujours inassouvis
En crachant dans la soupe j’ai offensé mon père,
Et mes maîtres aussi – qu’ai-je donc fait de ma vie ?
Qu’il était bon le temps où j’allais par les rues ; m’émouvoir
En rêvant de prestige, de belles choses et de gloire
Des colonnes françaises des châteaux de la Loire
Mais en ignorant tout, n’en rien voulant savoir.
Mes tristes professeurs au savoir comme un ru
Un jour me hélaient et l’autre me mataient
Moi aussi, triste sire : j’allais parmi les rues
Sans savoir si j’étais religieux ou si j’étais athée.
Ô maîtres malheureux : j’étais un roi maté!
J’allais dans les ruelles, le matin, sans savoir, que je ne savais rien – ni Rome ; ni Athènes,
Et j’allais chantonnant –, ni même l’Égypte ancienne,
Ne pourraient un seul jour s’abreuver au lavoir
De mon âme malade
De mon destin débile
De toutes ces salades.
Mon âme si débile et toujours en colère
Pouvait leur refuser toutes les béatitudes
A ces maîtres pressés, à ces jeunes filles en pleurs
A moi aussi enfin – cruelle est l’habitude.
Ne pouvant pas savoir ce qu’était l’insouciance
Puisqu’elle était ma vie, elle serait donc ma mort
j’allais dans les ruelles, seul, comme un matamore
Sabordant ma jeunesse sur l’autel des sciences.